Les majeures de l’ITECH se présentent (3/4) : ITECH et le TEXTILE
Les dates-clefs
Effectivement, la majeure textile est la plus ancienne des spécialités de l’école : en 1884, la ville de Lyon créait l’Ecole de Tissage à la demande des industriels de la Soierie lyonnaise. Cette structure, historiquement implantée à la Croix Rousse, s’est au fil du temps diversifiée vers les autres branches d’activité du textile (filature, moulinage, ennoblissement, maille) pour devenir dans les années 70 l’ESITL (Ecole Supérieure des Industries Textiles de Lyon), restant sous gouvernance municipale.
En 1988, naissance d’ITECH : l’ESITL fusionne avec l’ESCEPEA (*) non seulement pour faire reconnaître le diplôme par l’état, mais aussi pour unir leurs forces respectives autour de la chimie de polymères. Celle-ci est en effet le cœur scientifique autant du textile que des autres spécialités de l’école (cuir, peintures, plastiques). A noter que Lyon est alors le siège de grands groupes chimiques pour l’industrie des fibres textiles.
L’école se développant, les locaux textiles historiques partagés avec le Lycée Diderot deviennent trop étroits. En 1996, l’ITECH saisit l’opportunité d’implanter à Roanne son Département Textile. Le Bassin roannais est en effet une place forte et dynamique du textile et à cette époque, l’agglomération cherche à développer une offre d’enseignement supérieur en ville de taille moyenne.
Piloté par la CCI et le District de Roanne, le projet se concrétisera pour la rentrée de 1999 : ITECH Textile s’installe dans un bâtiment de 2000m², construit sur mesure par l’agglomération roannaise et équipé de machines neuves, financées par des subventions européennes et régionales d’un montant de 2,3 M€. Depuis le démarrage de cette installation Roannais Agglomération participe annuellement aux surcoûts engendrés par la distance avec le siège d’Ecully.
Le profil de formation – La filière textile
Depuis les débuts d’ITECH, le parti a été pris de former à l’ensemble de la filière industrielle textile, avec un double objectif : d’une part adresser un champ d’emploi le plus vaste possible, et d’autre part développer un esprit « client-fournisseur », attitude indispensable pour un travail serein dans la filière.
En effet, que l’application finale soit banale ou hautement technique (nous y reviendrons), un certain nombre d’étapes sont indispensables : la matière première est mise sous forme de fibres et de fils, ceux-ci assemblés en surfaces, ces dernières découpées et assemblées en volumes. Résumé ainsi, cela semble simple, mais à chaque étape de nombreuses options sont disponibles, et encore plus démultipliées par les différentes fonctions apportées par l’ennoblissement.
Ainsi :
- En ce qui concerne les matières premières (presque toutes des polymères), on peut opter pour du polyester, du coton, du polyamide, de la viscose, du lyocell, de l’acétate, de la soie, de la laine, de l’acrylique, du polypropylène, du verre, du carbone, du bambou, de l’ortie, de l’élasthanne, de l’aramide, du métal, …. Sans compter tous les mélanges que l’on peut imaginer ; sans compter que les matières soient vierges ou issues d’un recyclage.
- En ce qui concerne les fils, ils peuvent être de fibres, de filaments, simples, retordus, guipés, texturés …
- Pour les surfaces, on choisira des tissus, ou des tricots chaîne, ou des tricots trame, ou des tresses, ou des intissés.
- La fonctionnalisation peut être soit colorée (teinture : en fibre ou en fils ou en tissus ; impression au cadre, au jet d’encre, par transfert, …), soit par apprêt chimique au cœur de la matière ou en surface (hydrofuge, hydrophile, ignifuge, anti-UV, anti-ondes, virucide, …), ou encore par apprêt mécanique.
Cette multiplicité des combinaisons possibles est assurément une des raisons de l’omniprésence des textiles dans notre univers, et de la sophistication toujours croissante de ces textiles. Comme ce ne sont pas les mêmes canaux de distribution auprès de l’utilisateur final, il est d’usage de segmenter selon les applications : habillement, lingerie, luxe-maroquinerie, l’ameublement-maison, le sport (vêtements, chaussures, équipements-agrès), les EPI (Equipements de Protection Individuelle), les transports (textiles pour automobile, ferroviaire, maritime, aéronautique, levage en tous genres, …), les dispositifs médicaux (orthèses, contention, implants et prothèses, pansements, équipement hospitalier, …), agro et géo textiles, bâtiment (isolation, revêtements de sol, chapiteaux et structures tendues, …). Tous ces secteurs sont pourvoyeurs d’emploi pour notre profil ITECH.
Bref, les leviers sont très nombreux, et il est important que l’ingénieur connaisse les champs des possibles des principales technologies, aussi bien en termes de propriétés apportées que de contraintes industrielles à respecter. Il doit exploiter cette richesse avec méthode et réalisme, tout en laissant parler sa créativité.
L’enseignement dans la majeure est très appliqué, illustré de nombreuses études de cas, étayé par les visites d’entreprises partenaires de l’école. L’accent est également mis sur les travaux pratiques « en vraie grandeur » grâce aux équipements de la plateforme roannaise ; les projets de recherche tutorés constituent un autre temps fort, menés le plus souvent sur des sujets proposés par des entreprises, souvent pour valider la faisabilité de concepts (gilets instrumentés pour mesurer les paramètres vitaux de rongeurs de laboratoire, casques-chapeau pour prévenir la chute de personnes épileptiques, textiles générateurs d’électricité, textile de protection de jeunes arbres plantés en ville, … ).
Toutes ces actions de formation sont rendues possibles par l’engagement de l’équipe des 4 permanents : Jean-Michel BOUCHET (responsable maintenance et spécialiste du fil), Claire ROFFIDAL (experte en maille jetée, en métrologie et en confection), Fabien ROLAND (expert en chimie textile et en ennoblissement). Ce noyau est complété par une dizaine d’intervenants externes, chacun spécialiste dans son domaine.
Traits de caractère
Le textile est avant tout un secteur centré sur les valeurs humaines : de par les savoir-faire mobilisés, de par les échanges entre les acteurs, mais aussi de par la recherche du bénéfice utilisateur, voire la dimension affective des produits. Tous les métiers dans le textile sont de véritables engagements.
En état d’invention permanente, face à des marges de manœuvres économiques souvent réduites, la filière fait preuve d’une agilité remarquable. Pour preuve, au printemps 2020, la formidable mobilisation de tous les industriels textiles français, pour pallier au manque de masques de protection respiratoire, les uns détournant leurs matières premières, d’autres adaptant au pied levé leur outil de fabrication.
En outre, c’est un secteur mondialisé depuis longtemps (-200 pour les routes de la soie), offrant de belles carrières internationales, d’autant que la France bénéficie de l’aura de la mode et du luxe à la française. Sur le plan académique, tous les pays ont leurs propres formations, ce qui offre des opportunités de collaboration. Le premier lien qu’ITECH peut nouer est souvent via l’Université textile d’un pays. Ainsi nous avons des connexions, pour des échanges académiques ou des stages, avec la Chine, le Japon, le Viet Nam, l’Inde, le Maroc, le Burkina, la Finlande, la Suède, les Etats Unis, le Canada, Royaume Uni et, naturellement, la proche Europe : Belgique, Allemagne, Italie, Espagne, Croatie, Suisse. La section européenne (enseignement en Anglais) ouverte pour la spécialité textile en septembre 2017, permet aux étudiants de ce cursus de s’intégrer immédiatement dans un contexte international, et à l’école d’accueillir des étudiants de tous horizons.
Tendances (en 2020)
S’il est rompu à l’analyse régulière des tendances (à chaque collection), le secteur dans son ensemble connaît actuellement des évolutions de fond, motivées par les urgences sanitaires, sociales et environnementales. Devant les impacts écologiques de l’industrie textile, la remise en question est conséquente.
Sous la bannière « consommer moins mais mieux », des initiatives responsables et très déterminées se structurent : écosystèmes régionaux, réhabilitation de filières ancestrales (lin, chanvre, laine), amélioration de la durabilité des produits, développement des politiques de RSE, anticipation de la fin de vie par l’écoconception, organisation de filières de recyclage, affichage environnemental, re)valorisation du produit auprès du consommateur final, co-conception centrée sur l’usage, révolution de la distribution, …
Autant de défis passionnants à relever pour de jeunes (et moins jeunes) ingénieurs, enthousiastes, ambitieux, altruistes et créatifs.
Novembre 2020
Christine Corroy – Professeur de Tissage
Ayant travaillé dans la mécanique dans une vie antérieure, les gênes du textile m’ont rattrapée. Entrée à l’ITECH pour une mission de 6 mois, presque 30 ans après j’y suis encore du fait de la dynamique et de l’esprit de service de l’école, mais aussi grâce à l’étonnement permanent sur ce secteur si attachant.